Q. Quand avez-vous su que vous vouliez devenir architecte?
LD « Je ne dirais pas que c’était une vocation depuis tout jeune. Sans savoir ce que je voulais faire, j’ai fait un bac scientifique (l’équivalent d’un diplôme d’études collégiales) car cela m’offrait beaucoup de possibilités. Pendant mes études, j’ai pu occuper plusieurs emplois étudiants et cela m’a aidé à savoir ce que je ne voulais pas faire et à profiler davantage mon avenir. Étant créatif mais aussi manuel, l’architecture m’a paru comme un choix pertinent. Combinant théorie et pratique, je me suis lancé un peu à l’aveugle. C’est réellement pendant ma troisième année d’études que j’ai compris que c’était un métier pour moi, alors j’ai continué. En réalité, plus j’avançais dans cette voie, plus cela me plaisait. »
Q. Comment êtes-vous devenu l’architecte que vous êtes aujourd’hui?
LD « Tous les étés le temps de mes études en France, j’ai eu l’opportunité de faire des stages dans différents bureaux d’architecture. J’ai pu approfondir mes connaissances pratiques et travailler sur la conception de logements sociaux notamment. Une fois mon stage de fin d’études à Madrid terminé, j’ai réalisé que je pouvais aller pratiquer partout et que le métier venait avec une multitude de possibilités. Après un passage par la Californie, je suis arrivé en 2011 au Québec. Mon premier mandat a été celui d’un grand hôpital. Volontairement, j’ai pris un poste d’architecte surveillant de chantier pendant la phase d’exécution pour apprendre beaucoup sur cette phase de projet ! J’avais très peu fait cela auparavant et après trois ans à ce poste, on peut dire que j’y ai vite pris goût. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être outillé pour faire de la conception et de la surveillance de chantier, mais je fais davantage de l’exécution, c’est ce que je préfère. »
Q. Pouvez-vous partager un apprentissage important pour les futurs architectes?
LD « C’est une bonne question. Avec mon expérience de chantier, j’ai pu comprendre comment les dessins sont véhiculés jusqu’aux mains des entrepreneurs et des professionnels sur le site de construction. Je me suis rendu compte d’un grand écart entre les deux au début, surtout pour tout ce qui touche aux détails d’architecture. Ainsi, ce que j’ai appris, c’est de concevoir un détail réaliste et qui fonctionne. À mon sens, un projet doit être développé pensant dès le départ à l’assemblage et la réalisation sur le chantier . »
Q. Quelles sont les qualités pour être un bon architecte chargé de projet selon vous?
LD « Une excellente collaboration entre les équipes est primordiale. Il faut donner l’opportunité aux gens avec qui on travaille de prendre plaisir à ce qu’ils font et de performer. C’est un élément essentiel qui me tient beaucoup à cœur. Quelqu’un qui aime ce qu’il fait cherchera à le faire avec excellence. »
« Alors bien-sûr, il y a toujours des tâches plus redondantes comme partout - ajoute-il en riant. Mais il faut aussi déléguer à son équipe des tâches motivantes. J’aime confier non pas un aspect précis d’un projet, mais une partie de l’espace entier. J’ai beaucoup de joie à accompagner les équipes de cette façon. »
Q. Quelle place a le partage de connaissances dans le métier?
LD « Dans ce métier, il n’y a pas de pause d’apprentissage. Il faut toujours se garder à jour sur les nouvelles façons de faire, le code du Bâtiment, etc. En tant qu’architecte, et qui plus est un associé, on a un rôle de tutorat envers la relève. L’objectif est en quelque sorte d’optimiser la pratique de l’architecture pour les suivants. »
Q. Que diriez-vous à un.e jeune qui souhaite devenir architecte?
LD « Cette question me ramène à mes années d’étude ! Je dirais, beaucoup de patience et de persévérance. Les études sont longues et ce n’est pas inhabituel de faire quelques nuits blanches - dit-il en souriant. À l’école, on développe des pensées architecturales et c’est un aspect qui prend beaucoup de temps. »
Q. Parlant de pensée, avez-vous un mouvement favori?
LD « À l’école, nous avons beaucoup baigné dans le mouvement moderne du début du siècle avec Le Corbusier, Mies van der Rohe, etc. Aujourd’hui, bien que je sois encore attaché à cette période, j’apprécie également beaucoup l’art parallèle contemporain. L’architecture, la peinture et la sculpture sont trois pratiques d’art qui sont toujours un peu en symbiose et qui s’inspirent mutuellement. »
Q. Vous avez travaillé en France, en Californie et au Québec. Est-ce que l’approche architecturale est une recette unique?
LD « Partout où j’ai eu la chance d’exercer, j’ai vu des différences dans la manière de faire de l’architecture. Ce que j’ai remarqué de flagrant est que le contexte géographique influence énormément les pratiques. L’hiver canadien par exemple influence les enveloppes des bâtiments. Pour moi, c’est la définition même de l’architecture idéale. Elle doit répondre autant aux besoins du client qu’à son environnement immédiat. Le dialogue entre le site et l’architecture est très important. Cela est possible par exemple en utilisant des matériaux locaux dans la mesure du possible. »
Q. Est-ce que le voyage forme l’architecte en quelque sorte?
LD « Assurément! Que ce soit pour travailler ou pour simplement visiter, c’est important d’avoir un oeil ouvert sur le monde. Être curieux et observateur lors de ses voyages permet de développer son inspiration, de s’ouvrir à de nouvelles façons de faire. L’architecture selon moi ne suit pas une tendance particulière, elle doit être ancrée dans son contexte. Alors, les voyages permettent de voir différents contextes, environnements, de nouveaux matériaux, etc. »
Q. Quel est le projet le plus marquant que vous avez réalisé chez LemayMichaud?
« Sans hésitation, le projet le plus mémorable est la revitalisation du centre-ville de Montréal avec le Centre Eaton ! Ce projet a été rempli de défis professionnels et personnels. Ce fut une grande expérience d'apprentissage : J'ai dû apprendre à collaborer davantage, car le projet a commencé avec une équipe de deux ou trois personnes et s'est terminé avec sept. Par son ampleur, il m'a aussi appris la patience et la persévérance, ce dont je suis encore reconnaissant aujourd'hui. Le chantier a duré plusieurs années, et j'ai vraiment vu les jeunes architectes grandir, élargir leurs connaissances et prendre confiance en eux au fil des mois. C'est gratifiant et motivant! »
Le Q&A éclair
Développer ou créer? Créer
Rêveur ou réaliste? 50/50
Qu’est-ce qui vous donne envie de vous lever le matin? Mon café!
La réalisation dont vous êtes le plus fier? Architecturale : Le Centre Eaton, Personnelle : Ma famille
Avez-vous une philosophie qui vous guide aujourd’hui? Profiter de l’instant présent.
Noir et blanc ou couleurs? Noir et blanc
Mies van der Rohe ou Frank Gehry? Mies van der Rohe
Une œuvre dont vous auriez souhaité être l’auteur? La mienne ! L’œuvre que je réaliserai est l’œuvre dont je serai le plus fier. Sinon, une de mes œuvres architecturales favorites est le Salk Institute de Louis Khan à San Diego. Ce projet incarne pour moi l’architecture tel qu’elle devrait être; comme si elle était là depuis toujours …