Rencontrez Eve Morin

23.11.2021

Q. Quand avez-vous su que vous vouliez devenir designer d’intérieur?

EV « Le design d’intérieur est ma deuxième carrière, et ma troisième formation. Après avoir étudié en mode, je me suis orientée vers des études en langue et littérature japonaise à la suite desquelles j’ai poursuivi par un baccalauréat en études commerciales afin de rentrer sur le marché du travail. J’ai travaillé en analyse vente/marketing pendant plusieurs années.

J’ai toujours eu un penchant pour le design en général, que ce soit pour la mode, le mobilier, l’architecture. Ce sont ces intérêts qui ont d’ailleurs dirigé mon choix vers des études en langue et littérature japonaise. J’étais fascinée par cette nation: sa culture, son esthétisme et sa rigueur.

Et puis un jour, alors que je me questionnais déjà sur ma carrière, mon condo est passé au feu et tout était à refaire. Dès le jour 1, je me suis investie dans le processus des rénovations et du réaménagement de l’espace. C’est en faisant la conception d’une nouvelle unité murale que je me suis rendue compte que c’était un métier fait pour moi. L’équilibre nécessaire entre le créatif et le cartésien était exactement ce que je cherchais. Je suis donc retournée à l’école, et me voilà aujourd’hui chez LemayMichaud! »

Q. Comment cet équilibre dont vous parlez s’applique dans la vie d’un designer?

EV « Il faut savoir que le processus est long avant d’arriver au résultat final d’un projet. Certes, il y a les grandes idées du début qui demandent de la créativité afin d’élaborer l’histoire qu’on veut raconter à travers notre design. Le public ne voit que le produit fini, l’aspect créatif, et c’est bien normal. Mais il faut savoir qu’il y a en amont énormément d’éléments à prendre en considération et de la coordination à faire entre différents professionnels (besoins du clients, spécificités de l’espace, enjeux électriques et mécaniques, etc.). Il s’agit d’un grand puzzle où notre rôle est de faire correspondre toutes les pièces entre elles à travers notre design. C’est un processus qui peut s’avérer très cartésien, mais c’est notre créativité qui fera en sorte que le résultat final sera réussi.

Lors du développement des détails de construction, créativité et rigueur sont encore de mises. En anglais, l’expression dit : « the Devil is in the details ». En effet, les détails bien conçus et bien exécutés font toute la différence! En design, dès que l’on sent que quelque chose « accroche », c’est qu’il y a eu un manque de fluidité dans la conception ou dans l’exécution. »

Q. Où trouvez-vous votre inspiration pour chaque projet?

EV « Chaque projet est marqué par le lieu dans lequel il vit, par son histoire et ses racines… C’est primordial de sentir qu’il est imprégné de son contexte et que l’inspiration lui est propre et unique. C’est quelque chose que nous avons vu de plus en plus au cours des dernières années. Même les mandats qui sont régis par des critères stricts présentent une marge de manœuvre et d’interprétation locale. Il y a plusieurs années, les grandes chaînes hôtelières avaient des standards identiques pour chacune de leurs adresses. Aujourd’hui, on remarque que ces mêmes joueurs internationaux veulent insuffler une énergie locale à leurs projets. Ainsi, bien souvent, c’est l’environnement du projet qui m’inspire.

La nature m’inspire également beaucoup. Plus jeune, je regardais une émission dans laquelle le styliste répétait fréquemment quelque chose ressemblant à « si la combinaison de couleurs existe dans la nature, c’est que tu peux la faire ». (Rires) C’est resté gravé!

Habituellement, les voyages sont aussi une grande source d’inspiration, les espaces comme les restaurants, les hôtels, l’architecture urbaine, les places publiques…… Avec la pandémie, c’est certain qu’il a fallu s’inspirer en voyageant… à distance! Les plateformes sociales sont excellentes pour cela. Par contre, j’ai une ligne de conduite relativement stricte à cet égard. Il est important, à mon sens, de trouver l’idée du projet, d’établir l’histoire à raconter avant de s’inspirer sur ces plateformes. C’est très important que les équipes réfléchissent ensemble à la trame narrative avant de consulter des inspirations pour assurer une authenticité au design. C’est ce qu’on doit au client. »

Q. Est-ce que le designer peut avoir le syndrome de la page blanche, tant redouté des écrivains?

EV « Oh oui! J’ai des rénovations à faire chez moi et je suis incapable de choisir la céramique car j’ai trop d’options ». (Rires)

« Comme mentionné plus tôt, lorsqu’un client se présente avec un projet, nous réfléchissons à l’histoire à raconter. Et la réalité fait que bien souvent un projet s’accompagne de contraintes de temps, de budget, d’espace… Cette combinaison entre l’histoire à faire vivre et les contraintes guide les choix du design d’intérieur. Chaque geste posé se doit de soutenir le récit. Cette approche permet de ne pas se perdre devant toutes les possibilités d’un design d’intérieur.

Les goûts sont tellement subjectifs. Suivre une trame narrative permet aux clients tout comme aux designers d’apporter un regard objectif sur un projet, sur des propositions. Cela permet le recul nécessaire surtout lorsque nous savons qu’ultimement, le client devra être en mesure de s’approprier le design, de raconter cette histoire sur le long terme. L’idée derrière la conception ne sert pas simplement à guider nos choix.

Chez LemayMichaud, nous avons la chance d’avoir aussi une équipe de design graphique impliquée dès les prémisses d’un mandat. Cette collaboration amène une expertise intéressante qui vient renforcer le design d’intérieur et vice-versa. »

Q. Vous êtes aujourd’hui associée chez LemayMichaud. Pensiez-vous être rendue là aujourd’hui lorsque vous avez décidé de vous réorienter professionnellement ?

EV « Je dirais : ni oui ni non! J’ai toujours eu beaucoup de motivation et d’ambition et j’aime porter plusieurs chapeaux. Il est vrai qu’être associé dans notre métier est un aboutissement. Au quotidien, c’est un défi que je prends plaisir à relever. Cependant, ce n’était pas le but ultime de ma carrière, mais bien une continuation logique dans le contexte d’un bureau d’architecture.

Être associée chez LemayMichaud offre un équilibre car c’est une équipe aux talents multiples et complémentaires, c’est une force incroyable. Je n’ai personnellement jamais voulu être à mon compte, seule à travailler. L’énergie de groupe est un besoin qui me pousse à me dépasser. C’est motivant et inspirant.

En tant qu’associée, le rôle de mentorat prend aussi plus de place. Depuis mon Jour 1 dans l’entreprise, je reste admirative devant la volonté et la générosité des professionnels de la firme à partager leur savoir. Cela permet à toute la firme de s’élever. Participer à cette chaine continue est une valeur qui me rejoint énormément et à laquelle je tiens. »

Q. Quels sont pour vous des enjeux majeurs dans l’approche d’un projet?

EV « Pour tout projet, la rencontre avec le client est la base sur laquelle le succès du projet est bâtit. Nous devons établir dès le début une relation de confiance avec le client et nous assurer de bien comprendre ses besoins, ses enjeux. Une bonne compréhension de sa vision et de sa marque fera en sorte que son espace, à travers notre design, sera un outil supplémentaire pour communiquer son message. C’est notre rôle d’aller chercher ces informations clés et de les communiquer aux autres professionnels et artisans qui travailleront sur le projet.

Cela dit, la relation avec l’équipe de construction est également vraiment importante, c’est après tout grâce à ces professionnels que tout prend forme.

Au début d’un projet, il faut trouver l’histoire à raconter. On explore, on cherche, on teste et on recommence. Cependant, plus nous trouvons notre filon rapidement, plus toutes les équipes travaillent dans la même direction. Habituellement, on part d’une histoire générale qui se définit à mesure que le projet avance, au fil des détails à intégrer, telle une trame narrative qui se dévoile. »

Q. quel est le projet le plus marquant que vous ayez réalisé chez LemayMichaud en tant que designer d’intérieur?

EV « Bonne question… Je dirais le Residence Inn Calgary by Marriott. J’ai travaillé sur ce projet pendant près de 5 ans, du début à la fin. Ce mandat a énormément nourri mon développement professionnel, ce fût un grand apprentissage.

Une des raisons qui en a fait le succès a été la relation vraiment extraordinaire avec l’équipe de gestion de construction et le contremaître. Toute personne qui œuvre dans l’industrie sait qu’un chantier présente toujours des mauvaises surprises. Avec l’équipe, il y avait cette volonté de toujours trouver des solutions et d’adopter une attitude positive. Cela a souvent permis de trouver des solutions vraiment intéressantes aux problèmes mais aussi à mieux les gérer. »

Q. Vous avez également travaillé sur le projet de l’hôtel Dakota Dunes en Saskatchewan. Pouvez-vous nous parler de l’importance d’une approche sensible sur un projet destiné aux Premières Nations?

EV « Sur ce mandat, nous avions vraiment une belle histoire à raconter. Les Whitecap Dakota étant une Première Nation du Canada, la trame narrative du projet devait avoir du sens pour la communauté mais aussi pour les visiteurs. Nous avions cette envie d’apporter un aspect pédagogique au design, afin que les visiteurs de l’hôtel repartent avec une meilleure connaissance des Whitecap.

Nous avons abordé ce projet avec une grande écoute et une grande sensibilité afin de respecter la culture de la communauté. Les Whitecap nous ont fourni énormément de documents sur lesquels nous baser. C’était important pour nous d’être totalement en accord avec leur culture et leurs croyances. Ainsi, nous nous sommes inspirés de l’histoire de la communauté, de leur culture et de leur rapport à la nature pour concevoir et bâtir l’histoire derrière le design d’intérieur. Il y a eu tout de même des situations cocasses car certaines choses pouvaient nous paraitre anodines, mais avaient en réalité un tout autre sens pour eux!

C’est un mandat qui m’a marquée car nous en sommes ressortis avec un apprentissage riche. »

Le Q&A éclair

Développer ou créer ? Développer

Rêveuse ou réaliste ? Rêveuse

Qu’est-ce qui vous donne envie de vous lever le matin ?Toutes les possibilités de la journée!

La partie préférée de votre travail? Voir le projet réalisé

La réalisation dont vous êtes la plus fière? Pour moi, le Marriott!

Avez-vous une philosophie qui vous guide aujourd’hui? Rechercher l’équilibre

Noir et blanc ou couleurs? Couleurs

Mies van der Rohe ou Frank Gehry ? Mies Van Der Rohe

Une œuvre dont vous auriez souhaité être l’auteur? Les projets d’Avroko, dans leur ensemble, parce que ce sont eux qui m’ont montré l’importance de raconter une histoire à travers le design.



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