Q&A AVEC Anne-Marie Bouliane
Q. Quand avez-vous su que vous vouliez devenir architecte ?
« Je le sais depuis que j’ai 7 ans ! C’est à cet âge que j’ai commencé à dessiner des plans de maison, j’étais plutôt bricoleuse. Mon père est artiste-peintre, alors autant vous dire qu’enfant, j’ai baigné dans l’univers de Mondrian et de la géométrie. J’ai le souvenir que très jeune, on faisait de la gouache ensemble, des plans et qu’on analysait les formes. Je suis certaine que ma vocation est née de ces moments, c’est indéniable. Ayant un côté plutôt cartésien et structuré, l’architecture s’est avérée la balance idéale entre l’art et le concret, l’équilibre parfait. »
Q. Comment cette fibre créative se transmet-elle dans votre travail ?
« L’architecture nous permet de concrétiser nos idées, de leur faire prendre forme et ce toujours au travers d’une étroite collaboration entre tous les intervenants impliqués dans le processus. Comme architecte, je fais principalement de la charge de projets et je suis convaincue que la créativité peut se retrouver également dans la gestion. Que ce soit au travers des différentes phases d’un projet, de l’organisation du travail, de l’élaboration des derniers détails de construction ou pendant le chantier, la recherche de solutions laisse la porte ouverte à la créativité, du début à la fin. Être créatif, c’est en premier lieu un état d’esprit, une énergie. »
Q. Pourquoi la charge de projet plus que la conception ?
« J’ai découvert mon intérêt pour la charge de projet au fil des années, après avoir travaillé sur plusieurs échelles et types de projets. Chaque projet, peu importe sa taille, demande une organisation qui lui est particulière. J’apprécie énormément cet aspect de mon travail où le plus grand défi est de s’assurer, en équipe, de la réussite d’un projet, malgré toutes les contraintes et les surprises qui peuvent survenir. Le fait de travailler tous ensemble dans un but commun est des plus stimulant et enrichissant. De nature, j’ai besoin d’échanger, de collaborer, et cette dimension du métier me permet d’apprendre constamment, de me questionner et de trouver des solutions. En tant que chargée de projet, j’ai la possibilité de participer à toutes les étapes et d’avoir une vision d’ensemble. Tout comme un casse-tête, on s’assure que tout se mettra en place, une étape à la fois, pièce par pièce, jusqu’à ce qu’on ait l’image complète. C’est ce qui me nourrit au quotidien. Et le sentiment de fierté et de réussite est supérieur lorsqu’il est vécu en équipe ! »
Q. Quelles sont pour vous les qualités nécessaires d’un architecte aujourd’hui?
« Avant tout, je dirais de l’écoute, de la sensibilité et de la rigueur. Être architecte, c’est exercer un métier qui ne laisse pas de place à l’erreur, et c’est pour cela d’ailleurs que nous travaillons en équipe. LemayMichaud est comme une famille, où chacun a son rôle et son expertise, sa place, c’est grâce à cette unité que nous pouvons aller plus loin, tous ensemble ! Dans un projet d’architecture, chaque tâche est importante, chaque collaboration est primordiale et, en ce sens, il n’y a pas de hiérarchie entre les intervenants. Cette structure et cette cohésion nécessite toutefois d’être méthodique afin de livrer les projets !
Ensuite, un architecte se doit d’être versatile. Il doit être en mesure de s’adapter à tout changement, à toute contrainte. L’architecte doit être inventif, constamment à la recherche de solutions.
Au-delà d’un investissement réel de la part des clients, un projet provient souvent d’une émotion. Une grande sensibilité de la part de l’architecte est nécessaire pour comprendre et transposer les souhaits et la vision des clients et amener le projet à ce qu’il doit être.»
Q. Si vous aviez un conseil à donner à une personne qui souhaite devenir architecte?
« C’est un métier qui nous permet d’apprendre toute notre vie, il n’y a rien d’acquis, donc il faut de la patience et de la volonté. Il faut également démontrer une grande écoute, faire preuve d’humilité, savoir se questionner, s’adapter. Certes, nous sommes formés à l’école, mais c’est davantage notre modèle de pensée qui y est développée, seule la pratique permet d’apprendre réellement le métier. Pour ma part, j’apprends encore à chaque jour! C’est d’ailleurs ce que j’aime du métier: il n’y a pas de routine, pas deux projets identiques, à chaque fois, c’est une nouvelle histoire qui commence. »
Q. Où trouvez-vous votre inspiration ?
« Les voyages m’inspirent, qu’ils soient proches ou non! Dès qu’on sort de chez soi, de sa zone de confort, on ouvre nos horizons.
L’inspiration peut venir des plus petits détails. Au quotidien, être avec mes enfants et profiter de beaux moments avec eux me permet de décrocher, de faire le point, de me ressourcer et de prendre du recul sur un projet afin de mieux me projeter par la suite. Il n’y a rien de plus ressourçant.
Ce que j’aime de mon métier c’est qu’il peut nous permettre de voyager. Nous avons la chance d’avoir des clients partout au Canada et cela m’a amenée à découvrir de nouveaux endroits. C’est très enrichissant ! »
Q. Vous mentionnez avoir voyagé pour le travail. Est-ce que vous remarquez des différences dans l’approche de l’architecture, d’un projet?
« Honnêtement, je trouve cela agréable de collaborer avec des architectes et des intervenants locaux. C’est certain qu’il y a toujours quelques ajustements à faire, mais c’est un métier qui ne connait pas de frontières, donc en ce sens, pas de limite géographique. L’architecte est un vrai caméléon! »
Q. Quel est le projet le plus marquant que vous ayez réalisé chez LemayMichaud ?
« Sans hésiter, le Centre Eaton de Montréal a été des plus formateur et stimulant. J’ai eu la chance de participer à ce projet pendant plusieurs années et ce fut une excellente école. J’ai appris énormément sur les étapes d’un projet, la gestion, la dynamique d’une grande équipe. J’ai pu découvrir toutes les facettes du métier grâce à ce mandat. Par son ampleur et sa complexité, nous avons dû nous organiser et nous structurer différemment.
C’était appréciable d’être entourée en tout temps et de pouvoir bénéficier de l’expérience et des connaissances de chacun.
Aussi, il faut bien avouer qu’après toutes ces années à dessiner, coordonner, collaborer, le sentiment de voir ce projet construit fut incroyable! Le chantier, qui se termine tout juste, a comporté énormément de défis et de contraintes, étant dans un contexte existant rassemblant plusieurs époques de construction. Nous avons réellement senti l’effervescence du projet lorsque nous avons vu les premiers espaces prendre forme, notamment la façade sur la rue Sainte-Catherine. Quel moment!
Q. Vous avez obtenu la certification LEED pour des bâtiments durables. Comment voyez-vous cet enjeu évoluer dans le futur?
« Lorsque j’ai obtenu la certification LEED il y a 13 ans, c’était tout nouveau dans le domaine. Aujourd’hui, nous essayons de laisser un avenir plus propre, de créer des bâtiments durables et qui s’intègrent dans leur environnement. Mon souhait est que d’ici quelques années, les constructions soient de facto durables ! C’est un virage en cours, nécessaire, qui doit faire partie des valeurs de l’entreprise autant que du client pour perdurer. »
Q. Quelle est pour vous une architecture idéale ?
« Je pense qu’une architecture idéale n’a pas besoin d’être grandiose. Il n’y a pas de « petit projet ». Pour ma part, l’architecture idéale doit être sensible et élégante. Tout en répondant aux besoins du client, elle doit créer une émotion, un souvenir et s’intégrer dans son contexte. »
Le Q&A éclair
Développer ou créer ? Créer en développant
Rêveuse ou réaliste ? Rêveuse
Qu’est-ce qui vous donne envie de vous lever le matin ? Le sentiment du travail bien accompli. Je m’implique émotionnellement dans les projets, ils me tiennent à coeur, alors les voir avancer tous les jours est ce qui me donne envie de me lever!
La partie préférée de votre travail? J’en ai deux! Chaque début de projet, car à chaque fois, c’est un nouvel univers à découvrir. Il y a un mélange d’appréhension et d’excitation, une envie de plonger. Un vertige. C’est un métier qui permet de travailler dans toutes sortes d’environnements, d’univers, de côtoyer des sphères différentes. Et finalement, le sentiment de fierté qu’on en retire en équipe à la fin d’un projet. Ce sentiment de plénitude et d’accomplissement d’un travail commun.
La réalisation dont vous êtes la plus fière? Je suis fondamentalement et avant tout une maman, alors ce qui me rend fière est ce que je lègue à mes enfants. Aujourd’hui, j’ai la chance de leur montrer qu’il est possible d’aimer son métier et de vouloir travailler fort, ça me rend fière de leur transmettre ces valeurs.
Avez-vous une philosophie qui vous guide aujourd’hui? Suivre son instinct, toujours!
Noir et blanc ou couleurs? Noir et blanc, sans oublier le vert !
Mies van der Rohe ou Frank Gehrry ? Mies Van der Rohe, pour son architecture épurée, sensible et sobre.
De quelle œuvre architecturale auriez-vous souhaité en être l’auteur? Je n’aurais pas voulu en être l’auteur nécessairement, puisque chaque projet appartient à ses créateurs. Cependant, la tombe de Brion de l’architecte italien Carlo Scarpa, proche de Trévise, m’émeut profondément. C’est une oeuvre simple, mais très sculpturale que j’ai eu la chance de la visiter dans le passé, et je reste encore marquée des émotions aujourd’hui!